Annick Delannay, doctorante en anthropologie sociale et ethnologie
IRIS Institut de Recherche Interdisciplinaire sur les enjeux Sociaux
UMR 8156 CNRS - U997 Inserm - EHESS - UP 13, adelannay75(at)gmail.com
« La Guadeloupe en trans' : subjectivités, pouvoirs, émancipations »
En 1946, quatre anciennes colonies françaises, La Guadeloupe, la Martinique, La Guyane et la Réunion se voient accorder le statut de département français de plein droit. Pourtant 20 ans après la promulgation de cette loi de la départementalisation appelée aussi loi de l'assimilation, les inégalités sociales demeurent profondes avec les départements de la métropole, et en Mai 67 on débouche sur une grave crise sociale sans précédent en Guadeloupe où l'armée française va tirer sur des citoyens français. À ce jour, le nombre de morts n'a jamais été révélé et les dossiers juridiques sont toujours classés top secret aux archives de Gourbeyre en Guadeloupe. Dès lors, se mettront en place diverses formes de résistances à ce que nous appelons en sciences sociales, les « formes de dominations » en situations post-coloniales.
Mon travail de recherche ces dernières années a été d'identifier des acteurs (individus, groupes...) peu politisés (ou en voie de politisation) afin d'analyser comment se manifestent les différentes formes de résistances ainsi que les subjectivités qui définissent les dynamiques internes de la société Guadeloupéenne. L'appréhension de la domination, du système hiérarchique et des stratégies mises en place pour les contourner sera fondée sur une observation localisée pour comprendre les relations de pouvoirs ou d'émancipation qui s'y jouent et les enjeux qui les sous-tendent. En effet, les espaces publics et notamment la rue sont devenus de véritables scènes où « le drame » est à prendre au sens d'actions et de représentations de « ce qui est en mouvement afin de provoquer la découverte des vérités cachées au sein de toutes les affaires humaines » (Balandier 1992)... Au cœur de la vie quotidienne, ces gestes ambigus des acteurs : transpositions esthétiques, défilés commémoratifs du 1er mai ou encore la mise en scène d'une partie de chasse des kalinas par des lycéens, au parc des roches gravées de Trois-Rivières (caraïbes disparus de Guadeloupe à cause de la colonisation), pourraient trouver écho dans un besoin de création de nouvelles formes social-historiques à la manière Castoriadiste et de pose de jalons pour une redéfinition de l'identité. Pour ce dernier en effet : « chaque société est une création, que chaque société s’auto-institue en créant son propre monde qui est le monde pour elle et qui, en fin de compte, est cette société même » (in O. Fressard).
À la croisée de l'anthropologie politique, de la philosophique politique et de la sociologie critique, je propose une discussion autour d'une anthropologie « de la domination » et de la « translation » afin de partager mais aussi confronter nos méthodologies et nos expériences de terrain dans le plus simple esprit de partage, avec comme supports des auteurs tels Bourdieu, Appadurai ou encore Balandier.